Italie sous Meloni : un avant-goût de ce que l’extrême droite pourrait faire en France ?

En tant que Franco-Italien, avec une partie de ma famille vivant en Italie (du nord) et une carrière qui me fait graviter entre les deux pays, j’observe avec attention le bilan de Giorgia Meloni et ses implications pour la France. Ce que vit l’Italie pourrait être un avant-goût de ce qui attend notre pays si l’extrême droite arrivait au pouvoir.

Sur l’économie, Giorgia Meloni s’était engagée à relancer le pays, mais les résultats sont décevants et les perspectives restent sombres. La croissance italienne, déjà structurellement faible, est passée de 4% en 2022 à 0,7% en 2023. Pour 2024, les prévisions sont encore plus préoccupantes : selon l’Istat (l’INSEE italien), le PIB ne devrait croître que de 0,5%, bien en deçà de la moyenne européenne et en recul par rapport à une précédente estimation de 1,2%. Le FMI, pour sa part, maintient une prévision de 0,7% pour 2024 mais révise à la baisse les perspectives pour 2025 à 0,8%. Ces performances s’expliquent par un recul de l’activité industrielle et des exportations, notamment au troisième trimestre 2024, où le PIB a stagné. En parallèle, le chômage reste à 7,5%, et celui des jeunes à 22%, un des taux les plus élevés d’Europe. Les réformes sur les aides sociales, comme la réduction drastique du “revenu de citoyenneté”, ont fragilisé les familles les plus modestes, particulièrement dans le sud du pays, renforçant le sentiment de précarité.

Sur la politique migratoire, Meloni a mis en avant des mesures strictes, ciblant les ONG en Méditerranée et limitant les flux migratoires. Pourtant, face à une pénurie de main-d’œuvre, son gouvernement a été contraint d’augmenter les quotas de travailleurs étrangers, avec 450 000 permis de séjour prévus sur trois ans. Ce paradoxe illustre une réalité économique souvent ignorée dans les discours politiques, mais familière à des pays comme la France, où certains secteurs (BTP, agriculture) dépendent aussi des travailleurs immigrés.

Sur les libertés publiques et les droits sociaux, le bilan italien est alarmant. Meloni a restreint les droits des familles LGBTQ+, durci les sanctions contre les militants écologistes et tenté de renforcer son contrôle sur les médias publics. Ces attaques sur les libertés fondamentales rappellent des scénarios possibles en France si des réformes similaires venaient à être appliquées. Le sentiment d’un glissement autoritaire est renforcé par une polarisation croissante de la société italienne.

Le sentiment de la population italienne est aujourd’hui mitigé. Si Meloni reste populaire dans une partie de l’électorat, notamment dans le nord industriel, de plus en plus de critiques émergent. Les jeunes, confrontés à des taux de chômage élevés et à des perspectives limitées, expriment leur frustration. Les classes populaires du sud, particulièrement touchées par les réductions d’aides sociales, se sentent abandonnées. Et la classe moyenne des grandes villes, étranglée par le coût de la vie, perd confiance face à une absence de réformes structurelles ambitieuses.

Sur la scène internationale, Meloni a adopté une posture prudente, soutenant l’Ukraine et évitant un conflit frontal avec l’Union européenne. Mais en interne, sa coalition reste fragilisée par des désaccords réguliers avec ses partenaires, Matteo Salvini et Forza Italia.

L’Italie sous Meloni offre un aperçu des dangers d’une gestion autoritaire mêlée à des promesses non tenues: croissance économique anémique, érosion des droits sociaux et divisions sociales croissantes. Pour la France, cet exemple est une mise en garde: derrière les promesses nationalistes et sécuritaires, l’extrême droite pourrait miner les libertés fondamentales et exacerber les fractures socio-économiques.

Sources en vrac: Le Monde Les dérives illibérales de Giorgia Meloni”, RTS “Quel bilan pour Meloni après deux ans au pouvoir ?”, Zone Bourse “Croissance italienne révisée à 0,5% pour 2024”, Reuters “Italy’s economy stagnates in Q3, pointing to weak 2024”